Doudou, il paraît que Marie Antoinette se faisait livrer des huîtres élevées à Étretat. Ensuite, on a pêché le hareng et le maquereau. Puis un certain Eugène Isabey, peintre qui eut Eugène Boudin comme élève, découvrit la Côte d'Albâtre et Étretat.
Fini la tranquillité du petit village de pêcheurs niché au creux de la Côte d'Albâtre. Les artistes peintres déferlèrent, on proclama Étretat station balnéaire et l'aristocratie parisienne débarqua pour s'installer dans des maisons de villégiature.
Quelques pêcheurs locaux amarrent encore leurs barques sur la célèbre plage de galets. Mais le littoral est menacé par l'érosion et la ville risque de voir saplage disparaître avec la
montée des eaux. D'autant que les touristes indélicats prélèvent les galets gris en guise de souvenirs. Entre 400 et 600 kg par an. C'est pourquoi la Ville
d’Étretat inflige une sévère amende aux "dérobeurs de galets", surtout s'ils ne s'appellent pas Arsène Lupin. Oui, Doudou, rire à ma boutade est
bienvenu.
La plage d'1 kilomètre fait le bonheur des 1233 habitants d’Étretat et des 1,2 millions de touristes qui arpentent la digue de part et d'autre pour escalader les flancs des falaises d'albâtre. Le tourisme de masse risque de nuire à la ville, qui voit sa population locale diminuer, et à son site naturel qui, fort heureusement, est en cours de labellisation Grand Site de France. Mais Doudou ne m'écoute plus. Imperceptiblement, la lumière change, l'humain se transforme à nouveau en photographe avide de beauté.
Le soleil décline, l’œil mécanique devient fébrile. La nuit se chargera bientôt de dissimuler les charmes des "Belles d'Etretat" dans un manteau de
velours sombre. Peut leur importe ! Sûres de leur charme, elles ont fait de l'homme à l’œil mécanique un esclave qui les poursuivra dans l'ombre envahissante. Pour l'instant, le photographe
immortalise dans son boîtier un Étretat de fin de journée, un Étretat rendu à ses habitants.
Tantôt charmeuses et blondes, tantôt brunes et mystérieuses, les falaises d’Étretat dévoilent leurs charmes secrets que l'astre du jour peine à cacher
malgré son départ flamboyant. Puis le soleil s'éclipse. Il quitte ses"Belles" et pour se faire pardonner, il leur offre des drapés d'or dont elles se parent
prestement.
Les coquines jouent alors un jeu de séduction pour le photographe qui veut bien s'y laisser entraîner. Le ciel, jaloux de l'homme à l’œil mécanique, prête main forte à l'astre lumineux déclinant. Il devient alors écrin de couleurs sublimes, tableau vivant de la palette d'un artiste qui s'abîme en mer. Le photographe saisit l'aubaine, il enlève "Les Belles d'Etretat" dans un tourbillon photographique qu'il gardera, peut être, jalousement, dans le secret de sa boîte à images.
D'autres photographes amoureux des falaises d’Étretat reviendront demain sous un soleil triomphant, les surprendre au bain du matin.