Comme tout le monde,nous reprenons le bus en sens inverse. Mais, pas comme tout le monde, nous descendons au monastère Daitoku-Ji. Chouette, Doudou, nous allons enfin pouvoir nous promener en toute quiétude, loin de cette affluence, de ce grouillement de gens indélicats qui vous piétinent. Je deviens de moins en moins sociable en vieillissant. Ah, toi aussi ? Pourtant, il me semblait que tu étais déjà comme ça dans ta jeunesse hi hi.
Daitoku-Ji, un monastère plongé dans le silence
A l'origine, Daitoku-Ji fondé en 1319, comportait 80 temples de second degré ou sous temples qui disparurent, furent reconstruits. Aujourd'hui, c'est un complexe composé de 24 temples, 4 ouverts au public, des touristes quasi absents, un silence d'or. Quel contraste avec la foule qui hante Ryoan-Ji et le Pavillon d'Or ! L'âme devient sereine, se délivre du poids des questions existentielles, loin du tintamarre et de la cohue. Ici, un religieux nous chante la Marseillaise, là un vénérable grand-père nous remercie en français de visiter le Japon et de découvrir Kyoto, le cœur de l'histoire du pays. Parenthèse à la fois déconcertante et inattendue dans notre course.
Car il s'agit bien d'une course effrénée qui nous pousse, comme tant de touristes à dévorer les sites classés, les temples, à prendre des bus, à enchaîner visite su visite, à capturer image sur image . Nicolas Bouvier, un écrivain voyageur qui fut concierge à Daitoku-Ji a écrit : « Dans l'esprit de bien des Japonais, l'Occidental est un être troublé, plein de scories et de caillots. » Stop, Doudou, au pays de l'élévation spirituelle et du détachement, prenons le temps...Admirons les bambous, parcourons les allées, dégustons un thé matcha sucré et des pâtisseries françaises au Café du Mon.
Ginkaku-Ji, le Temple d'Argent
Que penses-tu du thé matcha sucré, Doudou ? Revigorant mais un peu écœurant sur la fin, non ? En route,nous avons du temps, oui, pour
visiter Ginkaku-Ji, le "Pavillon d'Argent". Encore un temple bouddhique classé au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, Doudou. Mais si, nous l'avons visité lors de notre premier séjour. Il date du XVèmes siècle, et
Ashikaga Yoshimasa, le 8ème Shogun le fit construire pour s'y retirer. A sa mort, il fut consacré au bouddhisme selon ses souhaits. Et moi, quels sont
mes souhaits ? Ben, qu'il n'y ait pas trop de visiteurs, qu'on nous fiche la paix en somme. Mon vœu est exaucé. L'après midi étant déjà bien engagée, les
visiteurs sont peu nombreux et en grande partie constitués de japonais.
Nulle feuille d'argent n'orne ses murs de bois laqué. Mais à ses pieds, "la mer d'argent" ou Ginshanden, un troublant jardin sec qui emporte l'esprit au-delà de l'émeraude de la végétation.
L’œil ne distingue plus les couleurs,il se perd dans une vision argentée, épurée jusqu'à
l'infini.
Furtivement, dans un silence presque palpable, l'émeraude s'immisce à nouveau dans la pupille. Un jardin de mousse surgit alors, qui laisse place à l'élément liquide. L'eau, le minéral, le bois s'unissent à l'émeraude et ses déclinaisons vertes, nous ramènent paisiblement dans le monde des humains. Ginkaku-Ji redevient palpable.
La paix, le calme, la sérénité se retrouvent au Pavillon d'Argent où nulle richesse extérieure n'est visible. Ginkaku-Ji baigne dans l'harmonie et la simplicité, transmet sa richesse intérieure à qui veut bien la saisir.
Les touristes épuisés par leur quête du "à voir absolument" ont bifurqué vers d'autres lieux plus prestigieux. Nos corps ont enfin retrouvé le repos, nos âmes aussi. Dans mon souvenir, il existait bien des lieux vides de corps où seul le pur esprit vagabonde. Dans mon souvenir...