Aujourd'hui, nous allons visiter la demeure de Freda Josephine McDonald, dis-je à un Doudou dont les yeux sont embués par les vapeurs d'une vielle eau-de-vie de prune. Je reconnais que les miens ne sont pas mieux. Le temps s'est arrêté hier soir après une délicieuse dégustation et ma bouche pâteuse ne peut absolument pas chantonner :" j'ai deux amours, mon pays et Paris". Je me fends donc d'une explication. Freda Josephine McDonald est le véritable patronyme de Joséphine Baker. Et nous nous rendons au Château des Milandes, son petit paradis, à Castenaud-la-Chapelle. Doudou, va falloir désembuer tes mirettes, nous avons 1 demi-heure de route qui serpente dans la nature périgourdine.
C'est pratique la réservation en ligne, surtout par temps de covid. Nos 2 billets à 12,50 euros/p comprenant la visite du château, les jardins,
l'audio guide et le spectacle des rapaces en poche, nous pénétrons dans l'enceinte du Château des Milandes. Nous ne
sommes pas les seuls et la visite de la maison de Joséphine Baker est rythmée par un nombre limité de personnes à l'intérieur. La ceinture de bananes
attendra, nous privilégions le spectacle des rapaces qui a lieu dans quelques minutes. Une soixantaine de rapaces diurnes et nocturnes vivent dans les 6 hectares du parc du château. Une dizaine
sont présentés par des fauconniers dans un joli spectacle où les oiseaux vous frôlent d'une plume légère.
"Chouette" spectacle, Doudou. Mon humour potache est revenu, signe que l'eau-de-vie n'a plus de prise sur moi. D'un pas allègre, nous nous rendons à l'entrée du château. Pas de photos à
l'intérieur, Doudou ! Nous patientons quelques minutes et sommes autorisés à entrer dans cette demeure construite en 1489 par le seigneur François de Caumont
pour son épouse Claude de Cardaillac. Les affres de l'histoire conduisent ce château jusqu'à la Révolution Française qui
le laissa à l'abandon.En 1900 un riche industriel, Charles Auguste Claverie, le rachète. Au prix de 14 années de
restauration et de la création d'un magnifique jardin à la française, le Château des
Milandes est devenu un véritable petit bijou. Joséphine Baker le louera à partir de 1937 et le rachètera 10 ans
plus tard pour y abriter ses amours avec son dernier mari Jean Bouillon et, surtout, pour y donner naissance à sa "tribu arc-en-ciel".
Joséphine Baker est présente dans chaque pièce. A travers son cadre de vie bien sûr, ses objets personnels, sa salle de bain extraordinaire, ses somptueuses tenues de scène, sa célèbre ceinture de bananes. Mais surtout par son âme qui semble rôder autour de nous. Comme si elle voulait nous accueillir personnellement. Comme si elle voulait s'assurer que nous n'étions pas là uniquement pour la vedette de "La Revue Nègre", la chanteuse de "J'ai deux Amours", la danseuse à la "Ceinture de bananes". Que nous étions là aussi pour son rôle dans la résistance et comme agent de renseignements pendant la 2ème guerre mondiale. Que nous étions là pour comprendre et, peut-être, continuer son combat contre le racisme. Une américaine de couleur, au cœur français et à l'amour universel.
Au-delà d'être une "maison de famille," le Château des Milandes fut le centre d'un complexe touristique. Un "Village du Monde", une "Capitale de la Fraternité Universelle" aurait souhaité l'artiste. La cupidité, l'esprit retors de l'être humain auront raison de cette utopie et, quelque part de la santé de Joséphine Baker. Mais pas de son éternel appétit de vivre et de sa capacité à se relever et à avancer. Un cœur immense et généreux qui vit le jour le 3 juin 1906 à Saint Louis/Missouri et qui cessa de battre le 12 septembre 1975 à Paris. Ce Paris qu'elle aima tant et qu'elle chanta.
Extrait de la chanson : "Dans mon village"
Si mon village
Pouvait servir un jour
De témoignage
Et symbole d'amour
Si tous les gens, d'ici, de là
Si tous les peuples ici-bas
Sans s'occuper
De leur couleur
N'avaient qu'un cœur
Extrait de la chanson : "Si j'étais blanche"
Pour moi quel bonheur
Si mes seins et mes hanches
Changeaient de couleur
Se faisaient gloire
Au soleil d'exposer leurs reins
Pour être noirs
J'allais me roulant
Parmi les avalanches
En haut du Mont-Blanc
Extrait de la chanson : "Paris, Paris, Paris
Ne me demandez pas si j'aime Paris
Autant demander à un oiseau dans l'espace
S'il aime le ciel ou s'il aime son nid
C'est sur la Terre un coin de paradis
Paris, Paris, Paris,
De mes amours c'est lui le favori
Au sortir de cette visite au Château des Milandes, difficile de reprendre ses esprits. Même le déjeuner tardif que
nous prenons au restaurant du domaine ne parvient pas à nous éloigner de Joséphine Baker. Nous nous hâtons pour replonger avec délices dans son univers,
pour la retrouver dans ses jardins. Au même titre que le château labellisé "Maison des Illustres" en 2012, les jardins du Château des Milandes sont inscrits au titre des "Monuments Historiques". L'âme de Joséphine doit être flattée.
En 1908, pour aménager les jardins et le parc du château,Charles Auguste Claverie contacte Jules Vacherot, l'architecte paysagiste de la Ville de Paris. Paris, encore Paris, toujours Paris. Comme si la plus belle ville du monde attendait déjà la plus parisienne des américaines, Joséphine Baker. Comme si le jardin dessiné "à la française" n'attendait plus que celle qui obtint la nationalité "française" en 1938 grâce à son mari de l'époque, Jean Lion. Difficile de ne pas y voir un signe. Comme un pied de nez à sa patrie d'adoption, lorsque ruinée, elle fut jetée à la rue en 1968.
Joséphine Baker n'est plus, mais son âme vit à tout jamais entre les murs du Château des Milandes qu'elle a tant aimé, dans ce pays à qui elle a tant donné et qui lui a rendu son amour...Un peu trop tard.
Château des Milandes : Château des Milandes
25250 Castelnaud-la-Chapelle, France
05 53 59 31 21
Contact et réservation en cliquant sur le lien : milandes.com