Piste grise, piste rouge
J'ai mal dormi, j'ai mal au dos. La chaleur, les secousses et la lessive à la main ont eu raison de moi cette nuit et c'est péniblement que je m'extirpe de la tente. L'échelle à descendre est une épreuve mais je ne cèderai pas à la tentation d'ingurgiter les anti inflammatoires et autres anti douleurs que j'ai pris la précaution d'emmener avec moi. Après le rituel matinal du "je plie la tente avant de manger et surtout avant de prendre ma douche parce qu'il y a plein de poussière sur la bâche de protection", nous partons sur une piste grise qui nous emmènera direct vers le passé au pays des arbres fossilisés et des peintures rupestres : Twyfelfontein. C'est sûr qu'on a assez d'essence hein Doudou? Ben non, vu qu'on roule au diesel ! Pff, c'est malin. Même pas pitié de sa chérie qui est en mille morceaux. Nous passons par le poste vétérinaire de Palmwag où tous les véhicules subissent un contrôle; des fois qu'on exporterait du nord vers le sud de la viande contaminée par la fièvre aphteuse.Des touristes allemands qui nous précèdent doivent se délester de leurs œufs et de leur viande lyophilisée. A part Doudou qui a la fièvre affreuse (je me venge pour le coup du diesel hi hi), nous n'avons rien à déclarer. Un bain de désinfectant pour les pneus plus tard, nous reprenons notre chemin.
Le gris, le rouge, le rouge, le gris. Les pistes se succèdent, déroulent sous nos roues musclées des km de gravier et de poussière aveuglante. Le dompteur du fauve est sans cesse aux aguets, observe le moindre accroc, la plus petite déchirure dans ce vêtement rugueux qui risque de blesser la peau épaisse mais Ô combien délicate des 4 pattes de son animal. Une créature d'acier lilliputienne campée sur ses 4 membres est immobile sur le bas côté de la route. En embuscade, elle observe un étonnant tableau : une famille d'éléphants du désert statufiée sous un soleil de plomb. Notre animal la rejoint. Je braque les jumelles sur le groupe qui, soudain, s'anime et je découvre un spectacle surprenant; les éléphants sont placés en cercle autour de bébés allongés, créant ainsi un rideau d'ombre protectrice sur leur progéniture. Réduites à l'état de petites figurines humaines en terre cuite dans le ventre brûlant de notre bête motorisée, nous sommes en extase devant cette scène. Jamais l'expression "savoir s'adapter à son environnement" n'a autant de sens qu'aujourd'hui. Mais déjà les statues se meuvent, l'appareil photo n'a pas eu le temps de de se réveiller et saisir cet instant merveilleux. La panse de l'animal est devenu l'enfer. Il faut redémarrer, déclencher à nouveau son souffle climatisé sous peine de terminer brûlés et desséchés, fondus dans la nature.
Notre 4X4 reprend sa route interrompue vers la forêt pétrifiée et se couvre de poussière rouge qui s'infiltre partout. Çà promet lorsque nous débâcherons la tente ce soir. Faut que je vous explique quand même; vous avez remarqué que la tente sur le toit est recouverte d'une bâche verte qui, au fur et à mesure des kms avalés, se recouvre d'une épaisse couche de poussière multicolore, oscillant entre le gris clair et l'ocre rouge. Chaque soir, nous nous déshabillons (mais non, on n' est pas tout nus, coquins !), et ôtons la bâche poussiéreuse de la tente. Et comme la poussière nous aimes beaucoup, elle s'empresse de nous recouvrir et de nous colorer, selon son humeur, (ou son humour) de rouge, de gris, de gris, de rouge. Et comme mon humeur aujourd'hui est plutôt noire et mon humour totalement absent...
Forêt pétrifiée, 300 millions d'années plus tôt
Nous voici enfin arrivés dans le passé. La visite du site de la forêt pétrifiée se fait avec un guide. L'air chaud a laissé place à une fournaise et j'ai un peu de mal à me concentrer sur les explications fournies. Pourtant, ce n'est pas tous les jours que l'on voit des arbres vieux de 300 millions d'années. Allez, mamie, un effort. Je me surprends à errer dans le site, la langue pendante comme une vieille lionne assoiffée. Vlà autre chose maintenant. j'explique à Doudou mais il semble que son humour s'est aussi fait la malle aujourd'hui et que le poids des 300 millions d'années pèse sur nos carcasses de quinquas.
Nous terminons la visite et pique niquons sur l'aire prévue à cet effet. De l'eau froide, des jus de fruits bien frais, trop frais peut-être. Et un tas de familles, bien françaises, trop françaises peut-être. Je suis un peu barbouillée et nous décidons de nous rendre directement au restcamp. Et là... roulement de tambour : Doudou et moi pétons un câble.