Escales terrestres
Je ne tiens plus en place, nous partons en Normandie. Nous nous rendons régulièrement dans ce pays qui a
donné le jour à mon photographe de mari, nous connaissons déjà certains lieux. Mais j'aime les escapades de dernière minute, celles qui sont
décidées dans l'urgence du désir d'ailleurs. L'adrénaline monte, l'effervescent règne. Je m'affaire dans toutes les directions, tente de dégoter les meilleurs plans dodo, les coins à ne pas
manquer, les endroits inconnus. Et, enfin, le matin fatidique du départ arrive ! Allez, Doudou normaund (normand en patois), charge notre avion à 4
roues et 5 portes, nous décollons pour le pays du camembert.
La Normandie ça n'est pas le bout du monde. Mais à 3 heures de voiture de notre quotidien, nous pénétrons dans un autre univers. Avec une escale sur une aire d'autoroute, l'aire de la Baie de Somme, annonciatrice d'un dépaysement total.


Le ciel décline un camaïeu de gris, la lumière révèle une étendue verte mêlée au jaune paille. Doudou le normand saisit ces instants picards, sa Normandie natale aura sa part dans quelques kilomètres. D'ailleurs, il est temps de "redécoller" . Nous décidons de détourner notre voiture vers Dieppe, le berceau natal de Doudou, le temps pour lui de se laisser submerger par la vague de ses souvenirs enfantins au bord d'une mer vert émeraude.
Deuxième escale, Varengeville-sur-Mer. Tu te souviens, Doudou ? Nous y sommes passés il y a quelques années. Nous avons découvert une église et son cimetière marin. Georges Braque y est enterré aux côtés de son épouse et l'une de ses œuvres les plus remarquables, un vitrail nommé "Arbre de Jessé", orne l'église. Ouf ! Doudou trou (normand bien sûr) de mémoire (surtout quand ça l'arrange) n'a pas oublié.


Un peu d'histoire : l'Arbre de Jessé représente l'arbre généalogique présumé de Jésus de Nazareth. Il existe de nombreuses représentations de cet arbre à travers les époques et celle de Georges Braque date de 1954.
Un peu de poésie : surplombant la mer, le vitrail laisse passer la lumière changeante de la Normandie, plonge l'église Saint Valéry dans un halo mystique, à la fois reposant et rempli d'un questionnement sur nos origines.
Une atmosphère de calme et de quiétude se dégage du cimetière marin contemplant la baie de Dieppe. Bleu-vert de la mer, blondeur de la pierre, vert tendre des prés, rose des fleurs se disputent la suprématie dans un combat sans gagnant ni perdant. L'intérieur de l'église baigne dans un doux mystère qu'illumine le vitrail de Georges Braque. Turner, Whistler, Corot, Renoir, Monet, tous ont admiré cet endroit paisible. Georges Braque et son épouse décideront d'y demeurer à jamais.
Des massifs d'hortensias aux mille couleurs fleurissent dans ce village de Varengeville-sur Mer, se multiplient à l'envi sur les 76
km qui nous séparent encore de notre première grande étape : Etretat !
Doudou pilote d'avion se demande où nous allons atterrir. Ben, chez Jocelyne et Michel Goulet, à "L'escale
fleurie", commune de Le Tilleul, 2 km après Etretat. "Ah bon ". Il n'a aucune idée de qui il s'agit ni de où c'est, vrai trou de mémoire oblige ! J'actualise sa page cérébrale courante et lui
refait le descriptif de la chambre d'hôtes où nous avions déjà séjourné il y a quelques années : accueil chaleureux, excellent petit déjeuner avec une confiture maison orange/melon qui a laissé
un souvenir impérissable à mes papilles, gâteau maison, pain frais et croissants. Nous étions juste à côté du resto où nous avons découvert le cocktail normand. Même que ce soir , nous irons
dîner là, j'ai réservé par téléphone. TIIILLLT fait son cerveau. "Ah ouiii" ! Jocelyne est là, fidèle à ma mémoire de chti pour nous recevoir. Monsieur est
satisfait, il sait que demain, il s'attablera devant un généreux petit déjeuner. Et que ce soir, il fera bombance. L'estomac est meilleure mémoire que le cerveau !!!

A gauche, le restaurant "Le Tilleullais", à droite en dessous, le "Cocktail
Normand" façon tilleullais : cidre, pommeau, crème de fraise des bois. Entre deux, quelques années et un
changement sur la carte : la composition du cocktail a changé ! Non dis-je? effondrée à la serveuse. "Je ne me rappelle pas du tout", me réponds-t'elle. Pourtant, ça fait longtemps que je
travaille ici. Les trous de mémoire normands seraient-ils légion dans la région ?

La serveuse est une marrante et a de l'humour, et TIIILLLT, elle se souvient. Effectivement, le cocktail a bien existé sous cette forme là. Doudou plaisante, il lui rappelle que
c'est une jeune serveuse à l'époque, c'est à dire elle, qui nous avait servi.La serveuse éclate de rire et prépare, rien que pour nous, notre élixir. 2 verres d'une sublime couleur au
couchant font leur apparition. Suivront 2 escalopes de poulet avec une sauce au cidre et à la crème normande. Miam, miam, j'adore la Normandie. Et la jeune serveuse normande !!!