Notre étape de ce jour n'est pas une étape comme les autres. Nous nous rendons dans la ville proclamée " Cité de la Paix" par le parlement japonais en 1949 : Hiroshima. Est-ce notre âge, l'expérience de la vie et la confrontation avec un passé qui n'est pas le notre qui nous rendent quelque peu silencieux? Nous sommes pensifs pendant nos préparatifs de départ et lors du trajet jusqu'à Hiroshima. Je me connais, je sais que l'émotion sera au rendez-vous, qu'il me faudra ravaler quelques larmes. Je devine chez Doudou le même ressenti qu'il tente de cacher en vérifiant plusieurs fois l'état des batteries de son appareil photo.
Bus de la gare d'Hiroshima à l'hôtel, check-in, marche jusqu'au Parc du Mémorial de la Paix, nous y sommes. D'emblée les larmes me montent, j'ai le cœur dans un étau. Pourtant, je suis encore à plusieurs mètres de Genbaku Domu, le dôme de la bombe A ! Des âmes en peine errent ici, elles portent en elles toute la douleur d'un peuple meurtri dans sa chair sur des générations.
La charpente squelettique de l'ancien hall de la promotion des industries de la préfecture d'Hiroshima ne se dresse pas fièrement dans le parc. Elle ne souhaitait pas entrer au Patrimoine Mondial de l'Unesco en décembre 1996. Elle ne recherchait pas la triste notoriété qu'est la sienne aujourd'hui. Elle voulait juste être la charpente d'un bâtiment japonais, exhiber sa coupole de cheveux d'acier habillée d'un foulard de cuivre.
Il est des jours à marquer d'une pierre blanche. D'autres, funestes, sont marqués du sceau du malheur par des hommes jouant à être les maîtres du Monde. "Enola Gay," le nom d'une mère inscrit sur le cockpit d'un bombardier B-29 qui lâche au dessus d'Hiroshima "little Boy". Cette bombe de 3 m de long, d'un diamètre de 71 cm et d'une masse de 4400 kg contenait 64 kg d'uranium 235. Little Boy !
A 160 mètres du bâtiment, l'hypocentre de l'explosion. En un instant, des milliers de vie sont rayées de la surface de la Terre, des habitations disparaissent sous le souffle de l'explosion. (Photo ci-jointe : essai nucléaire )
La charpente squelettique survit, dépouillée de sa peau, de ses cheveux, de son âme.
Elle témoigne aujourd'hui à travers ses chairs meurtries qu'elle expose, bien malgré elle, au regard d'une humanité qui n'a toujours pas su tirer les leçons des douleurs du passé.
L'atmosphère s'allège ou fur et à mesure que nous déambulons dans le Parc du Mémorial de la Paix. La végétation luxuriante nimbe de vert éclatant tous les monuments commémoratifs du parc. Les visiteurs se promènent d'un pas lent, les enfants des écoles rient en prenant des notes, nous interpellent en japonais et en anglais.
Le Parc du Mémorial de la Paix n'est pas que le témoin d'un passé et d'un présent de l'horreur humaine. Il se veut aussi être le porte-parole d'un avenir commun pour toutes les nations. Utopie ? Rêve Éveillé ? Toujours est-il que la vie a repris son cours à Hiroshima, le long du fleuve Ôta.